La montagne est un vaste territoire de liberté, invitant à la découverte et offrant des panoramas magnifiques. Pour autant, derrière la beauté de nos paysages alpins se cache un secret bien gardé…C’est notamment grâce à l’effort soutenu des agriculteurs, et principalement des éleveurs, que nos reliefs perdurent dans toute leur splendeur. Ces éleveurs de bétail préservent avec ferveur la tradition du pastoralisme qui, tel un héritage vivant, maintient l’équilibre naturel de nos alpages. Lumière sur l’une des pratiques agricoles les plus anciennes de l’activité humaine.
Le pastoralisme, ancré dans les traditions séculaires alpines, évoque un mode de vie en parfaite symbiose avec la nature. Les alpages deviennent alors le théâtre d’une relation harmonieuse entre les éleveurs, leurs troupeaux et les écosystèmes fragiles qu’ils habitent.
Une tradition ancienne et vitale
En quoi consiste le pastoralisme dans les Alpes ?
Le pastoralisme dans les Alpes est une activité traditionnelle d’élevage extensive qui consiste à faire paître le bétail dans les pâturages d’altitude, les estives, pendant la saison estivale.
Ces zones de pâturages saisonnières sont traditionnellement exploitées par les éleveurs pour fournir à leurs troupeaux une partie, voire la totalité, de la nourriture à la belle saison.
Pour rappel, les Alpes recouvrent plusieurs pays européens, dont le sud-est de la France, la frontière septentrionale de l’Italie, la Suisse, et l’Autriche, entre autres.
Abondantes en végétation, les vastes étendues alpines regorgent d’herbe à pâturer, pour le plus grand bonheur des ruminants tels que les moutons et les chèvres. La principale source d’alimentation du bétail est par conséquent composée de ressources fourragères – herbes et de végétaux.
Quels sont les avantages du pastoralisme ?
Fondé sur le travail avec la nature, le pastoralisme offre de nombreux avantages, parmi lesquels :
La préservation de l’écosystème montagnard
Les activités pastorales impliquent le déplacement du bétail sur de vastes territoires, ce qui permet :
- une utilisation durable des ressources naturelles,
- le réduction de la pression sur les terres et de leur surexploitation.
L’entretien des paysages
Le pâturage régulier par le bétail contribue à maintenir certains types de paysages ouverts, en empêchant la prolifération excessive de la végétation. Cette pratique favorise par conséquent la biodiversité tout en minimisant le risque d’incendies.
Le soutien à l’économie locale
Le pastoralisme fournit des sources de revenus et d’emplois pour les communautés locales.
La valorisation des filières de produits locaux de haute qualité
Le lait, la viande et les autres produits dérivés du bétail pastoral sont de qualité supérieure en raison de la diversité de l’alimentation des animaux et de leur mode de vie en pleine nature.
Une action positive sur le changement climatique avec un bilan carbone neutre
Les prairies utilisées pour le pâturage peuvent agir comme des puits de carbone en stockant le CO2 atmosphérique dans le sol, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique.
La préservation du patrimoine traditionnel montagnard
En tant que tradition agricole séculaire, le pastoralisme est intimement lié aux modes de vie traditionnels. La perpétuation de cette activité contribue de fait à la préservation et à la transmission des connaissances ancestrales.
Symbiose entre éleveurs, troupeaux et écosystèmes alpins
Lien entre le pastoralisme et les régions montagneuses
Le pastoralisme ne date pas d’hier. Sa longue histoire a connu d’importants changements au fil du temps.
Vie pastorale et mouvement des troupeaux en montagne
Le pastoralisme alpin est généralement pratiqué par des éleveurs qui transhument, c’est-à-dire qui déplacent leur cheptel entre :
- les vallées de basse altitude pendant l’hiver. On parle alors de transhumance hivernale ou encore de désalpe.
- les pâturages d’altitude pendant l’été. Cette migration estivale est aussi connue emmontagnée.
Bien qu’elle ne se limite pas qu’à cette espèce de ruminant, les ovins représentent, de nos jours, la majorité du bétail en transhumance dans les Alpes.
De la naissance de l’agriculture à la domestication du mouton
La naissance de l’agriculture et de l’élevage ont eu lieu simultanément, il y a environ 11 000 ans dans la région du Croissant fertile au Moyen-Orient. Ce changement majeur de mode de subsistance a profondément bouleversé la société humaine de l’époque, déclenchant notamment sa transition vers la sédentarité. Digression faite, revenons-en à nos moutons.
Le mouton (Ovis aries), tel que nous connaissons à l’heure actuelle, descendrait du mouflon du Moyen-Orient. La domestication de cet ovin sauvage a engendré des altérations de son génome, impactant alors sa morphologie et son comportement.
Introduit puis domestiqué en Corse il y a 6000 ans, le mouton se caractérise par :
- sa toison laineuse et frisée, son museau allongé, ses pattes courtes et sa queue tronquée.
- sa grande résistance et sa capacité à s’adapter à tout type de terrains, y compris des pâturages peu productifs.
Initialement élevés pour leur viande, ces herbivores à poil laineux se sont ensuite vu exploités pour leur toison (la laine) ainsi que pour leur lait… Tout est bon dans le mouton !
Mentionnons finalement que nos sympathiques ruminants domestiques sont des animaux grégaires. Au sein de leur troupeau, ils interagissent en outre par des bêlements et des marquages olfactifs.
La transhumance du bétail, zoom sur cette tradition pastorale alpine
La transhumance est le déplacement, le déplacement d’un cheptel d’animaux herbivores, tels que les moutons, les vaches ou les chèvres, vers les pâturages afin de se nourrir.
Ces montées ou descentes de la ferme à l’alpage (et inversement) sont des coutumes chères aux territoires montagnards, qui se perpétuent au fil des générations.
Ces migrations saisonnières permettent aux animaux
- de se délecter des végétations foisonnantes alpines durant les mois ensoleillés
- tout en évitant les conditions hivernales rigoureuses. Le cheptel trouve ainsi refuge dans les vallées de basse à moyenne altitude, où les températures sont plus clémentes.
Une transformation progressive, où pragmatisme et respect des traditions s’entremêlent
Dans le passé, le pastoralisme, ou élevage itinérant, était avant tout une question existentielle de subsistance pour les éleveurs et leurs cheptels.
Cependant, avec l’avènement de la mécanisation dans l’agriculture et la diminution progressive de la pratique du fauchage, de moins en moins d’éleveurs pratiquent les transhumances.
Souvent par souci de simplicité ou par nécessité logistique et économique, ils choisissent plutôt de rester dans leur ferme en vallée afin de constituer des réserves fourragères pour alimenter les bêtes tout au long de l’année.
Préservation de l’équilibre naturel des écosystèmes alpins
Le pastoralisme comme impératif pour la santé des alpages
Le pastoralisme, en tant qu’alliance entre les hommes et les animaux, a permis de façonner les panoramas alpins qui nous sont si familiers aujourd’hui. Cette tradition séculaire joue un rôle essentiel dans le maintien de paysages variés et riches en biodiversité.
A Combloux et dans la région du Mont-Blanc, cette riche tradition pastorale a réussi à préserver sa vivacité à travers les âges.
Pressions environnementales et changements climatiques
Face à l’industrialisation de l’agriculture, la nécessité d’entretenir les estives pour maintenir l’interaction subtile entre l’humain et le paysage se fait de plus en plus ressentir.
De nos jours, la cohabitation :
- des usages – champs fauchés à l’automne limitant par exemple le risque d’avalanche en hiver lors de la venue de la neige.
- et de la préservation des espaces naturels
revêt une importance cruciale.
Réintroduction du loup dans les Alpes et menaces liées à la prédation
Depuis les années 1990, en parallèle au maintien de la tradition pastorale, les pouvoirs publics se sont engagés dans d’importantes initiatives pour réintroduire le loup au sein de nos majestueuses montagnes.
Voici un aperçu des grandes lignes de cette initiative :
1990
Enjeux écologiques liés au retour du loup
Dans les années 1990, certains pays alpins ont commencé à envisager la réintroduction du loup pour restaurer son rôle écologique et assurer la diversité de la faune et de la flore. Les premières tentatives de réintroduction ont eu lieu en France et en Italie.
1992
Initiatives en France et en Italie
- Le premier lâcher de loups dans les Alpes italiennes a eu lieu dans le parc national du Grand Paradis en 1992. D’autres réintroductions ont suivi dans différentes régions alpines italiennes.
- Cette année-là, la France a également lancé un programme de réintroduction du loup dans le parc national du Mercantour, à la frontière avec l’Italie. Des loups en provenance d’Italie ont été relâchés dans la région.
Au fil des années, les populations de loups réintroduits ont commencé à se développer et à s’étendre dans les Alpes, ce qui a permis la recolonisation naturelle de certaines zones.
De l’importance cruciale de protéger les troupeaux contre la prédation
La présence croissante du loup a suscité des réactions mitigées au sein des populations locales et chez les éleveurs. Certains ont exprimé des préoccupations concernant les attaques de troupeaux et les conséquences sur l’agriculture.
Pour minimiser les conflits entre les loups et les activités humaines, des mesures de protection et de gestion ont par conséquent été mises en place :
- indemnisation des éleveurs qui perdent du bétail en raison d’attaques de loups
- programmes de prévention, etc…
Le patou : fidèle gardien, protecteur des troupeaux
Parmi les stratégies visant à prévenir les attaques de loups, nous pouvons également citer l’emploi fréquent de chiens de berger nommés patous. Reconnus pour leur loyauté et leur courage, ils incarnent une figure emblématique de l’environnement montagnard.
Ces chiens de protection jouent un rôle capital dans la préservation du bétail, agissant avec une dévotion qui les positionne en véritables sentinelles du paysage pastoral. Leur indéfectible implication entraine alors une relation singulière entre l’homme, l’animal et la nature.